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Illustration de Chanteplume
J'ai embrassé l'aube d'été.
Rien ne bougeait encore au front des palais. L'eau était morte. Les camps d'ombres ne quittaient pas la route du bois. J'ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit.
La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.
Je ris au wasserfall blond qui s'échevela à travers les sapins: à la cime argentée je reconnus la déesse.
Alors, je levai un à un les voiles. Dans l'allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l'ai dénoncée au coq. A la grand'ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassais.
En haut de la route, près d'un bois de lauriers, je l'ai entourée avec ses voiles amassées, et j'ai senti un peu son immense corps. L'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois.
Au réveil il était midi.
Arthur Rimbaud (1854 ; 1891)
Illustration de CHANTEPLUME
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MYSTERIEUSES
envoyé par ChanteplumeL'ANGE ET LA FÉE.
Une fée est cachée en tout ce que tu vois.
VICTOR HUGO.
Une fée parfume la nuit mon sommeil fantastique des plus
fraîches, des plus tendres haleines de juillet, - cette même bonne fée
qui replante en son chemin le bâton du vieil aveugle égaré, et qui
essuie les larmes, guérit la douleur de la petite glaneuse dont une
épine a blessé le pied nu.
La voici, me berçant comme un héritier de l'épée ou de la
harpe, et écartant de ma couche avec une plume de paon les esprits qui
me dérobaient mon âme pour la noyer dans un rayon de la lune ou dans
une goutte de rosée.
La voici, me racontant quelqu'une de ses histoires des vallées
et des montagnes, soit les amours mélancoliques des fleurs du
cimetière, soit les joyeux pèlerinages des oiseaux à
Notre-Dame-des-Cornouillers.
*
* *
Mais tandis qu'elle me veillait endormi, un ange, qui
descendait les ailes frémissantes, du temps étoilé, posa un pied sur la
rampe du gothique balcon, et heurta de sa palme d'argent aux vitraux
peints de la haute fenêtre.
Un séraphin, une fée, qui s'étaient enamourés naguère l'un de
l'autre au chevet d'une jeune mourante, qu'elle avait douée à sa
naissance de toutes les grâces des vierges, et qu'il porta expirée dans
les délices du Paradis!
La main qui berçait mes rêves s'était retirée avec mes rêves
eux-mêmes. J'ouvris les yeux. Ma chambre aussi profonde que déserte
s'éclairait silencieusement des nébulosités de la lune; et le matin, il
ne me reste plus des affections de la bonne fée que cette quenouille:
encore ne suis-je pas sûr qu'elle ne soit pas de mon aïeule.
extrait de
Gaspard de la NUIT
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